Pékatralatak était un groupe anarchopunk végétarien, à tendance terroriste (putain tout ça!!). Je propose de partager ici leur analyse du « mouvement punk » (si tentait que ça a existé ou que ça existe encore), et de sa position dans le système capitalo-consumériste. En effet, le Punk et l’Anarchie ont beaucoup de points communs, et ce n’est pas pour rien qu’il existe tant de groupe anarchopunks (pas ceux de la télé et des journaux évidemment). Comme le punk, l’anarchie est victime de récupérations et d’incompréhensions volontaires par celles et ceux qui permettent à ce système abominable de rester vivant.
Il y déjà bien des années, CRASS chantaient « Punk is dead », le punk est mort. Aujourd’hui, on a envie de leur répondre que si ils constataient l’agonie d’un mouvement voué à une récupération certaine, il serait peut être temps qu’il finisse par crever réellement, il serait peut être temps de l’achever, une bonne fois pour toutes. Pour recommencer à avancer, inventer et à proposer de nouvelles aventures excitantes.Mort au punk !Que sommes-nous donc devenus ? De l’article du magazine de la Fnac aux multiples références dans les médias, des tournées d’Offspring à Punk Rawk Sound, division d’une grande maison d’édition publiant à chaque caste juvénile son support glacé, de Métal machin spécial Black à Groove Bidule, pour en arriver à Rock sound et ses petits frères, le spécial Punk, le spécial Fille… Tout le monde a son CD promo et chaque groupe peut avoir sa page inepte où se mélangent photos sans intérêts et pseudos interviews forcément creuses. Qu’est ce que tu fais ? Du punk rock ou du hardcore ? un groupe de fille ou tu chantes en anglais ?
EXTRAIT D’EPOK
LE « MAGAZINE » « CULTUREL » DE LA FNAC:
Choisis ton créneau et exploite le, rentre dans le circuit de la consommation. Le groupe de cave cherche a faire la première partie du groupe HXC à la mode dans sa région, qui lui rêve d’avoir un label et de contempler ses galettes à la Fnac pour pouvoir goûter à ce que vivent ceux qui en font leur bizness, qui eux mêmes cherchent tous à être les Offspring de l’année. Les motivations sont le plaisir et la fête au début, puis il faut rentabiliser l’affaire, faire tourner la baraque et réussir. Réussir quoi ? D’avoir assez de fond pour pouvoir acheter le plus d’espace dans la presse spécialisée, qui permettra de lancer les ventes et d’être crédible face aux distributeurs et à la Fnac. Au fait, le punk il dénonçait quoi ? Non il dénonçait rien du tout, c’est pour le fun ! Désolé, le fun à ce prix là, c’est pas pour nous. Les premiers punks ont créé une réaction face à la sclérose du rock’n'roll, elle aura pas mit vingt ans à le rejoindre. Depuis longtemps le punk fut soumit à des attaques en règle du système, exploitation d’une certaine image (chaos, bitures, bastons et crêtes multicolores) dans des dizaines de films, de publicités, phagocytant ce qu’ils véhiculaient alors (non tous les punks ne sont pas à l’image d’Exploited). Le punk est réduit à un cliché : la crête, la canette de bière et le blouson à clou, toujours dans le fond de l’image pour rendre crédible une scène urbaine. Ou alors souvenez vous des pubs Vogica (« Adapté à vot’look ») Duracel (le punk condamné à écouter de la musique classique) où le punk apparaît tel qu’on veut qu’il apparaisse, grossier, méchant, stupide, s’exprimant avec difficulté et voulant faire peur (à noter une petite évolution, aujourd’hui il ferait plutôt rire -cf pub RTL où on voit une photo d’un punk dans un musé – c’est la caillera de banlieue qui impose dorénavant la terreur). Souvenez vous de « Class 84 », voilà l’image que la société a voulu imposer du punk. Par contre, l’image du punk militant ou artiste, ayant un discours soutenu (comme les tableaux collages de Gee de Crass, les textes et la philosophie de Conflict, l’engagement de Oi Polloi, ou la verve politique de Jello Biafra…) est évidemment occulté. Alors, aussi sûrement que les flics arrivent à noyauter toutes organisations syndicales, ce que représente le punk et l’Anarchie aussi, ça n’appartient plus à ceux qui font le mouvement, il en résulte une assimilation avec des notions de violence, de chaos, de défonce… Pour vendre on est toujours prêt à montrer un punk à clichés, qui devient une icône moderne, un mythe aux multiples interprétations. Alors tous ceux qui veulent exister et représenter une menace pour leur entourage savent qu’il suffit d’endosser le costume, pour eux comme pour le quidam son apparence représentera le message calibré et reconnu qu’il veut faire passer, aussi facilement qu’avant-hier on a construit les skinheads racistes avec les unes de l’Evénement du jeudi, ou hier avec les cailleras pitbullées mises à l’honneur dans tous les médias français… Depuis longtemps beaucoup se battent pour que ceux qui font la scène soient plus conscients, alors que le simple fait de rentrer dans cette scène et de partager les idéaux qui sont les nôtres, devrait être motivé par une conscience latente qui fait que l’on refuse les compromis avec cette société qui n’offre que le point de vue capitaliste. Si le punk n’est pas un étendard « contre » qui permet de développer une philosophie « pour », alors qu’est ce qu’on fout ? Nous, on se sent plus proche de Noam Chomsky que des Casualties, plus proche de ce que raconte Huey Newton que de ce que raconte Wattie…
Mort au punk !
Si l’on ne souhaitait que la mort du punk commercial, du punk de carte postal, du cliché punk qui nous colle au cul, dès que on y est assimilé, ce serait stupide et ce serait refuser de voir certains échecs du mouvement. On peut retrouver dans le livre de Profane Existence (« Making punk a threat again »), un article intitulé « Abolish the white punk » où l’auteur s’interroge sur le profil moyen du punk de base : à savoir un garçon « blanc » d’une vingtaine d’année. Le manque de présence dans les communautés étrangères (le punk est il la musique des « jeunes blancs révoltés » comme le reggae serait la musique des « jeunes noirs révoltés » comme on peut parfois tristement l’entendre, einh?), le fait que les « filles » doivent encore aujourd’hui prouver leurs capacités par rapport aux « garçons », qu’un groupe composée de filles doit se justifier (de quoi ? D’être des filles, vous savez les gens bizarres qui ont pas de bite) l’homophobie latente toujours présente… Tout ceci représente des échecs, ou plutôt des lacunes. Tout le monde s’échine à copier ce qu’on fait les autres, tellement de monde nous a qualifié de sous-béru et pourquoi pas, mais si on accepte l’influence, elle est quand même un peu limitative (j’ai toujours cru qu’on faisait du sous-ludwig), et combien font du sous-Ramones, du sous-Mötörhead, du sous-Exploited… ? Les groupes tendent, chacun dans leur style, à se ressembler énormément… Alors qu’il ne devraient y avoir que des groupes avec des identités propres et que les styles punkrock, grind, crust, hxc, émo, straight, altérnatif… devraient être détruits, on pourrait peut être s’éclater un peu plus les uns les autres… plutôt que de se morfondre chacun dans sa grotte. Est ce que notre mouvement n’est devenu qu’un catalogue de la musique hardcore où chacun viendrait faire ses courses et se fidéliserait à sa caste comme on préfère Flunch à McDo ? Allez, les crusties chez les crusties et les punkrockeurs chez les punkrockeurs ! Quelle bel exemple et quelle belle illustration des textes de nos chansons…
Mort au punk !
Dans 10 ans, les vieux punx seront aussi pathétiques que les vieux rockeurs qui vont voir Johnny, le punk d’aujourd’hui n’est il pas devenu le rock d’hier, le rock à Papa ? Dans 10 ans, à la place d’Offspring c’est Extreme Noise Terror qui passera en bande d’ambiance à Auchan. Dans dix ans, le punk sera une vieille histoire.
Mort au punk !
Et pour ceux qui penseraient qu’on est parti en croisade pour sauver le punk, ils se trompent, on se sent pas le talent ou l’énergie de le faire. Juste on donne notre avis et vous attendez pas à ce qu’on collabore sans rien dire. On a rien inventé, beaucoup en on déjà parlé et l’on déjà chanté et Crass les premiers il y a maintenant plus de 20 ans ! On pourrait évoquer le groupe graphique Bazooka qui maniait la provocation et le terrorisme artistique… (on a pu voir une interview lors du « spécial destroy » de L’œil du Cyclone) On aurait pu citer les Dead Kennedys (ancienne version bien sûr !) et leur morceau « Chickenshit conformist » (« Bedtime for Democracy » 1986), on aurait encore pu citer le morceau « Rip Off » de Defiance (contre Rancid et Epitaph, sur leur LP « No Future no hope »)… Vous pouvez jeter un œil à une excellente interview croisée entre Boycot et Epitaph dans le Profane Existence #35 (Avril 98)… Je pourrais surtout tirer mon chapeau à Active Minds (surtout leur EP « Dis is getting pathetic », avec entre autres une chanson très critique sur le phénomène Disclône) pour leur démarche et ce qu’elle nous inspire, dans le fond et dans la forme. Car même si notre optimisme anarchiste nous pousse à toujours tout voir en noir, si on a eu envie de faire ce projet et de faire ce zine, c’est grâce à eux et à elles. Aujourd’hui NoFx est au top, demain, lorsque le vent aura tourné et que les kids écouteront autre chose, nous, on sera toujours devant nos amplis et derrière nos ordinateurs. Détruisons ce qui nous enferme et essayons de voir plus loin…
Mort au punk !
Après dix ans de vie commune avec le punk (rock, as fuck…), je m’interroge toujours, au début, c’était une certaine démarche s’affirmant au travers d’un style particulier qui, en rupture totale avec ce que je pouvais connaître, m’a séduit. Chemin faisant, j’ai affiné mes convictions politiques ou artistiques en rencontrant de nombreuses personnes, différentes, qui par l’intermédiaire d’un zine, d’un concert ou d’un groupe m’ont permis de façonner ma propre culture militante et de me diriger vers d’autres gens ou luttes qui ne s’étaient pas forcément intégrés au punk mais que le punk avait souvent intégré (Chiapas, Black Panthers…). Après dix ans, qu’ais-je retenu ? Ou que faut il retenir ? Des crêtes mémorables, des dépouilles fantastiques, des gerbes en concert à se pisser dessus, des looks impossibles, des ambiances hallucinées ? Tout ça fait partie de mes meilleurs souvenirs, d’amitiés ou d’autres mais fondamentalement, tout ceci n’est que folklore et bon temps… C’est déjà beaucoup mais c’est insuffisant. Non, ce que j’ai appris, c’est comment et surtout pourquoi militer. Pourquoi arrêter de manger de la viande, pourquoi faire des disques à prix quasi coûtants, pourquoi et comment faire un groupe punk et surtout comment arriver à vivre dans ce monde hostile, le punk m’a offert des armes pour me défendre. On a choisit la voie d’une certaine ghettoïsation tout en restant ouvert et attentif à tout ce qu’on rencontre. On a pas de réponse globale toute faite à la merde qu’il y a en face de nous, mais on a pas de scrupules et on ne se sent pas coupable, on rejette la tradition judéo-chrétienne et on a pas l’ « esprit de clan ». On revendique simplement le droit d’ouvrir notre gueule, on en sait pas forcément plus que tout le monde mais on aime ça. Notre message, il évoluera mais il changera pas, quelques soient les provocations par lesquelles il doit passer ! Et si y’en a que nos provocations choquent, on voudrait rappeler que c’est une de nos armes, comme l’autodérision, et que la provocation doit être assumée, quand on dit « Mort aux punx » on écrit un texte dessus qui essaie d’expliquer sincèrement notre message, après, quand on chantait « Mort aux flics », c’est (paradoxalement) beaucoup moins évident de se justifier concrètement. Une petite anecdote, pour la pochette précédente, j’avais eu une idée : dessiner un camp de concentration avec des flics comme victimes et des punx comme gardiens, le camp devait rappeler totalement ceux des nazis. C’était un grand dessin bien provo que j’ai pas fait. Pourtant se mettre en face de ce qu’une phrase comme « Mort aux flics » entraîne est peut être pas inutile… pour se rendre bien compte de ce qu’on dit. Méfions nous des idées simples et des slogans… A ce propos, le slogan « Mort au punk »… Doit il être pris au même niveau que « Mort aux flics » ? Je pense que si vous nous avez lu jusqu’ici vous avez saisi not’propos… et pour ceux ou celles qui penseraient réellement qu’on souhaite la mort violente de tou(te)s les punx du monde, le soir, quand vous vous endormirez veillez à ce qu’un croque mitaine cagoulé ne cherche pas à vous égorger !
Mort au punk !
Pensez à un groupe comme Rage against the machine, pur produit commercial, mais avec un discours contestataire militant, qu’on ne peut pas remettre en cause… Avez vous vu Zach prendre la parole aux conférences de soutien pour Mumia Abu Jamal ? Le vieux mythe du « changement de l’intérieur » : se révolter ou pratiquer la contestation dans le système, au sein de celui ci n’aboutit qu’a une seule chose : l’assimilation de l’idée même de « révolte » par le système. Celui ci préfère créer son propre ennemi, ses propres épouvantails pour pouvoir fédérer, assimiler, contrôler et donc diriger (j’ai dit « digérer » ?) ses ennemis, leur faire bénéficier d’un statut social preuve que le Révolté ne représente plus une menace contre le système mais une excroissance monstrueuse de celui ci. Ainsi ceux qui seraient tenté de vouloir remettre en cause seraient happé par une contestation elle même créée pour canaliser et faire vivre un semblant de révolte, soupape de sécurité, fusible du système qui lui permet de contrôler les séditieux. Dans « 1984 » d’Orwell on voit bien commnt Big Brother créé lui même un réseau de résistance pour que personne n’échappe à son contrôle, même ceux qui le fuit. Le système se croit omnipotent, il croit que rien n’existe à part lui, qu’en dehors de lui point de salut… Le fait alors d’exister en dehors du système, l’existence même de cette possibilité représente la plus sûre des menaces, la preuve que sa prétendue omnipotence n’est qu’un mythe. Les Révoltés de tous bords n’ont qu’une mission, être incontrôlables, non assimilables. La philosophie punk ne devrait pas oublier les buts qu’elle s’est créée, car aujourd’hui elle tend sérieusement vers la bouffonnerie pure. De son héritage situationniste, le punk a oublié la notion de « refus total »…
Mort au punk…
Le système créé ses étiquettes pour tout assimiler comme un monstre énorme qui engloutirait tout sur son passage, refuser les étiquettes doit donc être prit comme une action révolutionnaire, critiquer ce que nous ne remettons jamais en question doit être prit aussi comme une action révolutionnaire, pas comme un blasphème, le punk rock n’est pas une religion.
Mort au punk, mort au système.
Pekatralatak – 2001
0 commentaires à “Mort au Punk!”