[Une brève synthèse après lecture des journaux italiens]
Mardi 20 septembre, vers 10h du matin, un vaste incendie a éclaté dans le centre pour demandeurs d’asile de Contrada Imbriacola, à Lampedusa. 1 300 Tunisiens y étaient enfermés, en attente d’être renvoyés de l’autre côté de la Méditerranée. Quelques jours avant, le consul tunisien avait signifié que les renvois de l’Italie vers la Tunisie avaient déjà atteint leur maximum. Le 14 septembre, une première révolte avait éclaté à Lampedusa contre ces déportations forcées. Suite à l’incendie, près de 800 retenus sont partis en centre ville en cortège aux cris de « Liberté, Liberté ». Les autres, plus tous ceux repris entre temps (beaucoup près de l’embarcadère de Favaloro), ont été enfermés dans un stade, à Cala Saline. Les nuages de fumée ont recouvert une partie de la zone, jusqu’à faire fermer l’aéroport de l’île. Les sans-papiers Tunisiens demandaient notamment de rejoindre le continent, et pas de rester sur cette petite île au large des côtes. En février 2009 déjà, un incendie avait ravagé ce centre de rétention de Lampedusa.
Le maire de l’île, Dino De Rubeis, commentait ainsi cette nouvelle révolte incendiaire, pendant que les sans-papiers se dispersaient en ville, chassés par 300 flics en tenue anti-émeute et des dizaines et dizaines d’autres : » Il s’agit désormais d’une guerre, et les habitants de Lampedusa vont réagir. Notamment parce que nous n’avons pas face à nous des réfugiés sub-sahariens, mais des centaines de jeunes tunisiens qui veulent tout et tout de suite avec arrogance, exactement comme les délinquants, prêts à mettre en jeu leur vie et la nôtre« . Un peu plus tard, le maire se barricadera dans son bureau avec une batte de base-ball, tandis que des milices d’habitants aideront les flics dans leur chasse le lendemain pour retrouver les tunisiens jusqu’au dernier.
Le 21 septembre, quatre Tunisiens sont incarcérés et accusés d’être les instigateurs de la révolte (Faysal Hamrouni, Mohamed Ghammouri, Mohamed Saleh et Bilal Fazzani). Tous avaient débarqué lors des dernières arrivées, les 15 et 18 septembre. Sept autres, pour avoir été les pilotes des bateaux qui avaient débarqué les Tunisiens. Tous les 11 sont incarcérés à la prison de Petrusa (Agrigento).
Pour expulser les 1040 Tunisiens en peu de temps (ceux qui ne se sont pas évadés du centre ont été expulsés à partir du stade le premier jour), 500 ont été réenfermés dans les bâtiments non détruits du Centre de Lampedusa, 300 ont été transférés par avions militaires sur 11 vols à Palerme, puis enfermés sur des ferrys à quai dans le port, le Moby Fantasy et l’Audacia, de l’entreprise GNV. Le 23 septembre, les 500 derniers Tunisiens sont déportés sur 10 nouveaux vols militaires de gros porteurs C130. Un nouveau ferry sert de prison, le Moby Vincent, portant à 700 les Tunisiens entassés sur ces trois bateaux à quai. Par contre, sur la petite île voisine de Linosa, le ferry qui devait transporter 98 tunisiens de Lampedusa vers Empedocle a été bloqué à quai par la révolte de ses passagers non-volontaires.
[Voici un article pas terrible à partir des infos de la presse italienne parues le lendemain de l’incendie]
Scènes de guérilla urbaine à Lampedusa
Agoravox, jeudi 22 septembre 2011
A Lampedusa, une mutinerie des immigrés se double d’une révolte de la population insulaire, et la situation mercredi matin semblait hors de contrôle. Le journal en ligne La Repubblica Palermo et le Corriere delle Sera parlaient de guerrilla. Des heurts opposent les insulaires aux immigrés ; la police aux immigrés ; la police aux insulaires, cependant que ces derniers tentent de chasser la presse. Ces événements, qui ont fait une dizaine de blessés, ont peu interessé la presse nationale française.
Tout a commencé, semble-t-il, le 19, avec un gros incendie au centre de rétention de Lampedusa, vraisemblablement allumé par des personnes retenues. Sur les 1200 tunisiens qui ont récemment protesté contre leur rapatriement, environ 800 ont réussi à s’échapper. Et 400 ont été retrouvés par la police près de l’embarcadère Favaloro, d’autres sont actuellement recherchés dans toute l’île.
La situation s’est encore aggravée mercredi matin, où la tension est montée entre les immigrants et les citoyens à Lampedusa.
Au départ sur le Vieux Port, semble-t-il, un groupe de [six] Tunisiens [a brandi en l’air trois bombonnes de gaz du restaurant Delfino Blu, situé à côté d’une station service, en menaçant de se faire exploser]. La foule furieuse a réagi par des jets de pierre, tenté de lyncher les immigrés. La garde des finances a chargé sur un fourgon les 6 tunisiens restés bloqués dans la station service où ils avaient menacés de faire exploser des bonbonnes de gaz et où est survenu le combat à base de lancers de pierre avec quelques habitants de l’ile. Dans la station service la tension reste élevée, les gens contraignent les journalistes à s’éloigner.
La violence s’étend : c’est la chasse aux Tunisiens dans les rues de l’ile. La police doit intervenir. Une partie des Tunisiens retournent d’eux-mêmes au centre d’accueil y chercher la sécurité, cependant que les patrouilles des milices d’insulaires se poursuivent dans l’île, à la recherche d’extra-communautaires.
Par mesure de sécurité, les enfants sont barricadés dans l’école.
Choses entendues :
Des insulaires aux Tunisiens :
« Vous devez vous barrer, batards vous avez ruiné l’ile. On ne veut plus de vous ».
Des insulaires aux journalistes :
« On ne veut pas de vous, dégagez »
La population s’en prend au maire, Dino de Rubeis, lui reprochant d’être laxiste vis à vis des immigrés. Le maire se barricade dans la chambre, escorté de trois policiers.
Dans un tiroir de son bureau, il a rangé une batte de base-ball, il la montre à tous et dit qu’il entend bien s’en servir si nécessaire.
Quelques extraits d’interviews d’insulaires :
« Qu’est ce qui s’est passé ? Ce qui s’est passé l’autre fois … ça continue !
Les Tunisiens mon cher, ils n’ont pas été capable de les arrêter … On continue à aller les chercher et on continue à se faire du mal !
On ne comprend pas bien pourquoi ? On ne comprend pas pourquoi on devrait subir ça … regardez ça.
Ceux là, dans leur pays, ils ne sont pas capables et n’ont pas la possibilité de dire quoi que ce soit, ils arrivent en Italie et ils font ce qu’ils veulent ! Pourquoi ? on ne sait pas. »
Le Maire ne sait plus que faire. Il en appelle au ministre de l’Intérieur Roberto Maroni. Au président du Conseil Silvio Berlusconi. Au Président de la République Giorgio Napolitano :
« Nous sommes, dit-il, devant un scénario de guerre. L’Etat doit envoyer des hélicoptères, ainsi que des navires pour faire traverser les Tunisiens qui divaguent dans toute l’île. »
Source: Cette Semaine