En soutien aux détenus révoltés de Châteaudun, Blois… et partout ailleurs….
Parce que
Mur par mur,
Pierre par pierre,
Nous détruirons toutes les prisons
Un autre texte sur l’abolition des prisons
lapoudre
D’UNE SOCIETE L’AUTRE
(Ce texte a paru sous forme de tract en Octobre 1984.)
Partisans de l’abolition des prisons, nous ne jetons pas un regard hautain sur les détenus qui mènent une grève de la faim pour l’obtention de réformes. Si nous étions à leur place, peut-être ferions-nous de même, ou peut-être nous couperions-nous un doigt… à défaut de pouvoir rompre le lien qui nous retient en ces lieux. Mais nous ne sommes pas à leur place. Nous sommes, nous, enfermés dehors, prisonniers dans la société. La liberté toujours relative qui caractérise notre mode d’enfermement nous fait bénéficier de ce que réclament les détenus : nous pouvons parler à volonté… dans la mesure où nous pouvons rencontrer d’autres individus. Nous pouvons dans les mêmes conditions téléphoner, nous réunir, avoir des rapports sexuels, etc.
Nous ne nous reconnaissons donc pas dans ces revendications, mais dans le refus qui les accompagne. Toute révolte, qu’elle soit individuelle ou collective, est nôtre. En l’occurrence, en refusant les conditions pénitenciaires de la nourriture, les détenus ont un tant soit peu modifié les rapports sociaux dans lesquels ils sont enserrés : ceux-ci partent, en petite partie, d’eux-mêmes, de leur propre volonté.
Mais un tel mouvement est ambivalent : par la revendication d’un aménagement des conditions de détention, il est aussi reconnaissance de la socialisation propre à celle-ci.
Nous ne pensons pas, en effet, que la prison ne fasse qu’isoler ceux qui la subissent. Elle les socialise tout autant. Elle est même, plus que l’école, la caserne et le lieu de travail, et quand ceux-ci ont échoué, le lieu privilégié d’imposition aux individus d’une communauté de vie. La fameuse réinsertion sociale, chère aux humanistes, s’effectue bel et bien en prison après que le délinquant s’est vu retirer la propriété de ses actes lors de son procès.
Cette socialisation est synonyme d’atomisation car elle met en rapport des individus de façon forcée et qui leur est extérieure : elle agrège les uns aux autres.
Nous appelons ainsi société des rapports sociaux auxquels, à rencontre de ce qui caractérise l’être humain, les individus sont tenus de s’identifier.
Si nous voulons abolir la prison, ce n’est pas qu’elle serait le chancre honteux de la société, mais parcequ’elle en est le reflet exacerbé et néanmoins fidèle. Nous voulons détruire la prison, à la fois parceque la société où nous sommes est une prison, et parceque la prison où nous ne sommes pas est une société. Or, en prison comme en société, il ne manque pas de partisans de Tune comme de l’autre. Des détenus « politiques » mènent une action pour être reconnus comme tels et, dans la perspective de remplacement de la société présente par une future, rempliront les prisons de leurs adversaires. Combien de « droits communs », de leur côté, indignés d’être détenus, trouvent parfaitement normal que d’autres le soient, tels les meutriers d’enfants ? Quant à certains groupes révolutionnaires intervenant actuellement sur les prisons, s’ils n’envisagent pas forcément l’existence de lieux de détention révolutionnaires (et certains critiquent explicitement cette possibilité), conçoivent toujours le devenir d’une autre société et, dès lors, sont contraints de parler en son nom, d’analyser son possible fonctionnement et, en particulier, le sort des éventuels réfractaires à cette société (lesquels ne sauraient faire défaut).« Que faire des délinquants ? » Cette question n’intéresse personne directement et personnellement, mais semble passionner tous ceux qui se considèrent comme membres d’une opinion publique, fût-elle révolutionnaire. C’est ce point de vue général, extérieur aux rapports particuliers que nouent et dénouent les individus, qui constitue la Justice, toute Justice. Les conflits ne sont pas appréhendés par ceux qui les vivent, mais par l’instance que délègue la société, elle-même instance suprême.
Dès lors on peut vouloir abolir la justice comme instance séparée et le prison comme sa conséquence, tels la plupart des anarchistes à la suite de Bakounine, et conserver néanmoins un jugement qui serait directement celui de la société et un mode d’enferment qui serait l’exclusion de celle – ci. (Bakounine, La liberté. JJ. Pauvert). Plus sympathique, certes, apparaît la position suivante : « S’il s’agit de détruire les prisons pour les reconstruire plus aérées, que l’on ne compte pas sur nous. Nous serons toujours du côté du refractaire (…). Mais s’il s’agit de remplacer la prison par une mise à l’écart plus radicale encore, que l’on ne compte pas davantage sur nous. » (La Banquise n°l. Pour un monde sans morale.) Mais cette prise de position reconnaît implicitement que d’autres se chargeront de la répression parcequ’elle répond à la même question : face à des conflits, que peut faire, non pas Pierre, Anne ou Jacques qui les vit, mais la société qui les gère ?
Et il est pour le moins inquiétant de lire : « La constitution d’une association communiste qui traverse les murs des prisons présuppose cependant une condition subjective indispensable : la critique et le dépassement de la révolte purement nihiliste et individualiste contre le capital qu’est la délinquance. Une révolte (individuelle) qui n’est pas tout à la fois orientée, tranfigurée et ra-dicalisée par le projet, l’amour et la poésie de la communauté humaine universelle ne peut qu’être sans issue positive. » (Prisonniers de la démocratie n°l.)Quelle que soit l’intention contraire de ses auteurs, la logique du point de vue sociétaire ou communautaire appelle le jugement et l’enferment.
Qui veut la société touchera en prime la prison, sous une forme ou une autre. Il va de soi que, pour notre part, nous ne souhaitons celle-ci à personne, pas même à ces partisans.
Des abolitionnistes.
P.S. La seule revendication des détenus dans laquelle nous, enfermés dans la société, nous reconnaissons, est celle du regroupement libre, selon affinités, pour ceux qui le désirent. C’est aussi la seule dont la satisfaction ne puisse être octroyée.
Retour sur l’atelier sur l’abolition des prisons pendant le festival la belle rouge auquelle nous avons participé vu par linter http://linter.over-blog.com/article-prison-abolition-un-atelier-sur-laprison-anime-par-j-m-rouillan-au-festival-de-jolie-mome-la-be-119463970.html