Archives pour mars 2014


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L’opinion publique, je l’emmerde !

lu sur aaa12

Il y a (au moins) deux sortes d’anarchistes. Ceux qui se préoccupent de l’opinion publique et les autres. Les premiers aspirent à une certaine respectabilité politique, à avoir un écho dans la sphère publique en utilisant des moyens légaux et à y améliorer l’image de l’anarchisme et de l’anarchie. Les seconds s’en contre-fichent car ils savent pertinemment que les discours qui passent par les outils légaux et institutionnels – tels que les médias de masse ou les farces électorales – sont digérés et aseptisés pour les rendre “publiquement” comestibles et inoffensifs.

Il m’a toujours semblé absurde de tenter d’élaborer une stratégie de propagande avec les armes de l’ennemi tels que les médias de masse[1] ou la participation à des élections représentatives[2].

Premièrement parce que ces méthodes font entrer une contradiction fondamentale entre fins et moyens. Nous aspirons à une société débarrassée de toute forme d’autorité, de toute forme de pouvoir. « Le pouvoir est maudit et c’est pour cela que je suis anarchiste », disait Louise Michel. Mais nous n’en sommes plus là. Certes l’histoire nous a montré à maintes et maintes reprises que l’exercice du pouvoir entrainait la perpétuation de ce même pouvoir et qu’il a toujours spolié les espoirs révolutionnaires. Mais aujourd’hui nous pouvons analyser plus exactement la nature du pouvoir et plus précisément sa nature biologique,[3] son impact sur le cerveau humain. L’aliénation du pouvoir a désormais une réalité biologique qui obéit aux lois de la physique et de la chimie.

« L’un des plus grands dangers menaçant le monde vient de ce jaillissement de testostérone dans le sang d’un dirigeant à haut besoin de pouvoir lorsqu’il gagne. Ce jaillissement hormonal est enivrant. Comme l’alpiniste qui cherche la satisfaction du pic suivant, plus dangereux, le politicien dépendant du pouvoir trouve difficile de se satisfaire du train-train de la politique quotidienne : il se languit du flash chimique que la victoire déclenche en lui. Hélas, comme tous les flashes de ce type, il faut que le stimulus suivant soit plus puissant, pour obtenir un effet égal ».
Voici donc une des bases biologiques de l’idéologie anti-autoritaire et qui mériterait d’être un peu plus mise en avant.

De là, comment pourrions nous espérer aller vers notre émancipation en usant d’outils qui peuvent nous soumettre à cette ivresse du pouvoir? Car pour être entendu dans les médias dominants il faut adopter leurs codes.[4] Il faut dégager des individualités qui deviendront des interlocuteurs valides, des porte-paroles qui permettront à ces mêmes médias de personnifier une lutte ou un groupe politique, à l’image du représentant syndical ou du chef de parti. De là, comment éviter que se créent des hiérarchies internes, même informelles? Comment diffuser l’idée de l’action de tous si on est réduit à communiquer par l’intermédiaire d’un représentant?  Si nous ne pouvons pas affirmer avec certitude que cette aliénation est systématique et obligatoire, nous ne pouvons pas non plus courir ce risque. Nous avons déjà trop souffert de ce genre de dérives pour nous permettre de les reproduire.

Deuxièmement parce que ces méthodes nuisent à une stratégie basée sur le développement des pratiques révolutionnaires et d’action directe.[5]
Si nous entendons modifier l’environnement socioculturel qui fait véritablement les individus, nous devons développer des pratiques qui serviront à créer des consciences révolutionnaires en agissant sur l’inconscient des individus, en modifiant cet environnement socioculturel et en y incorporant des pratiques et idées anti-autoritaires. Si nous utilisons les médias bourgeois pour nous exprimer, nous faisons de fait la promotion de ces mêmes médias. Si nous participons à des élections représentatives nous participonsde fait à éloigner les individus de l’action directe. Tous nos actes ont un impact.

A nous de choisir dans quelle direction nous voulons orienter notre propagande. Soit en conservant la radicalité du discours et des pratiques anarchistes pour orienter l’environnement des individus dans une certaine direction, soit en jouant le jeu des dominants en utilisant leurs outils et en aseptisant nos discours, en les modérant, pour être audible par la partie consciente de « la masse » sans prendre en compte le fait que nous seront tout aussi entendus par son inconscient à travers nos actions quotidiennes.
Quelle forme voulons nous que les luttes de demain prennent? Celle d’un référendum, d’une pétition, d’une manifestation pacifique et contrôlée par des autorités syndicales et politiques ou celle de l’action directe, de la mise en place d’un rapport de force avec l’autorité et du rejet des représentants autoproclamés?

« Menteurs ». Tout est dit.

Alors non, je ne pense pas que le fait d’attaquer les médias de masse – qui collaborent avec les flics et qui ont toujours diffusé des inepties au sujet des révoltés – nous soit préjudiciable. A l’image des dernières émeutes à Nantes,[6] il est plus intéressant de voir “nos” médias diffuser une information qui ne soit pas manipulée par les dominants que de voir les journalistes de BFM ou France 2 modeler les faits pour orienter l’opinion contre les révoltés. Seule la présence de ces derniers peut nous être néfaste.

Alors camarades, voyons un peu plus loin que le bout de notre nez et ne nous contentons pas d’élaborer une stratégie uniquement basée sur le court terme et sur la partie consciente de nos encéphales. Utilisons le savoir que la vulgarisation scientifique met à notre portée pour mieux comprendre le monde qui nous entoure et pour espérer avoir une action efficace sur ce dernier.

André Volt

[1] Déjà évoqué dans cet articlehttp://aaa12.noblogs.org/post/2013/10/27/de-la-violence-revolutionnaire-a-court-et-long-terme/

[2] http://aaa12.noblogs.org/post/2014/02/04/de-la-strategie-de-certains-syndicalistes-de-la-cnt/

[3] http://www.monde-libertaire.fr/sciences/15976-ce-que-le-pouvoir-fait-au-cerveau

[4] Problème évoqué en partie icihttp://aaa12.noblogs.org/post/2014/02/27/dun-certain-anarchisme-et-de-la-gauche-quebecoise/

[5] http://aaa12.noblogs.org/post/2013/09/26/comment-voir-la-propagande-par-le-fait-aujourdhui/

[6] http://aaa12.noblogs.org/post/2014/02/23/manifestation-anti-aeroport-du-22-fevrier-a-nantes/

Compte-rendu et réflexions sur le rassemblement du 1er mars à Belleville

Samedi 1er mars 2014 s’est tenu un rassemblement appelé à 15h au métro Belleville contre l’occupation policière de nos vies. Avant le rassemblement, des commerçants avaient été mis en garde par la mairie que des « casseurs » seraient présents dans le quartier, certains ont donc fermé leurs stores plus tôt que prévu, d’autres se sont payés des vigiles pour l’occasion. On apprenait quelques jours plus tôt dans la presse qu’un faux communiqué de la mairie de Paris annonçait un état de siège (voir ici). Aussi, depuis plusieurs heures, le quartier était quadrillé comme jamais : des dizaines et des dizaines de cars et bus de CRS et gendarmes mobiles, des voitures de flics, une cité assiégée, des flics sur les toits, une caméra boule installée pour l’occasion sur le toit du siège de la CFDT (donc avec sa collaboration), la station de métro Belleville fermée, plusieurs dizaines de civils, plusieurs dizaines de RG, des journalistes (présents à Belleville depuis jeudi pour certains), etc.

 

Juste avant le rassemblement, CRS et civils contrôlaient et fouillaient les sacs de tout ce qui ressemblait à un « anarcho-autonome » aux alentours du métro Belleville, décourageant ainsi les moins enthousiastes et autres touristes militants qui furent nombreux à rebrousser chemin ou à se terrer dans des bars du quartier. Un dispositif habituellement réservé aux contre-sommets qui a certainement réussi à en dissuader beaucoup, et qui répondait probablement à la volonté d’empêcher à tout prix (en l’occurrence, l’addition du 1er mars doit être salée !) une nouvelle humiliation après la manifestation émeutière de Nantes une semaine plus tôt.

Malgré tout cela, le rassemblement a bien eu lieu, avec entre 100 et 150 personnes (avec pas mal de gens du quartier). Plusieurs banderoles ont été posées : « Brisons leur paix (A) Guerre sociale », « Nous on aime pas la police, on veut juste vivre libres (A) », « Le travail est la pire des polices, détruisons les deux ». Des affiches sont collées, et des milliers de tracts (« Non vraiment, t’aimes les flics ?!!« ) et de bulletins (Lucioles  n°15) sont distribués avec pas mal de retours enthousiastes, une petite dizaine de fumigènes sont craqués sous les cris de « flics porcs assassins », « à bas l’Etat les flics et les patrons », « pierre par pierre, mur par mur, nous détruirons toutes les prisons », « ZSP, BST, tous les flics sont à jarter », « à Belleville comme ailleurs, police dégage » et « feu feu feu à toutes les prisons », « feu feu feu aux centres de rétention ».

À notre connaissance, rien de plus que des contrôles d’identité, avant, pendant et après le rassemblement, et aucune arrestation ou garde à vue, contrairement aux prédictions et aux critiques de quelques frileux énergumènes, accusant ce rassemblement d’envoyer les gens au casse-pipe.

Ce rassemblement avait été annoncé depuis la mi-janvier, autour de 5000 affiches (voir ici) avaient été collées un peu partout dans le Nord-Est de Paris et en banlieue, des milliers de tracts, de bulletins et d’affiches anti flics-justice-prison diverses et variées ont massivement tourné dans les rues, à tel point qu’il était impossible pour quiconque dans le quartier d’ignorer cette rage, des tags aussi appelaient à la manif, ainsi qu’une dizaine de banderoles posées un peu partout dans le quartier et ailleurs. Depuis plusieurs mois, on avait aussi pu constater de nombreuses attaques ciblées contre la police et la justice : commissariats, véhicules de la mairie, entreprises collabos de l’enfermement, de la justice et du contrôle (voir une chronologie ici). Cela montre combien la haine du trio police-justice-prison est répandue (et que pas mal de gens n’attendent pas, pour les attaquer). 
Mais cette journée et toute sa préparation ne sortent pas de nulle part, puisqu’elles s’inscrivent dans un parcours engagé depuis plusieurs années de diffusion des idées et pratiques anarchistes dans le Nord-Est parisien. Il ne s’agissait donc que d’un moment parmi d’autres dans une dynamique d’agitation anarchiste qui continue renforcée.

Cette idée de rassemblement public avait commencé à être imaginée depuis que le harcèlement des flics contre les activités anarchistes dans la rue était devenu beaucoup plus oppressant depuis la fin de l’été dernier, tentant (en vain) d’empêcher la diffusion de nos idées. Cela s’est manifesté notamment par une forte surveillance de l’Etat sur les compagnon/nes participant à cette agitation, par une vingtaine de contrôles lors de diffusions ou de collages d’affiches, dont certains aboutissant à des garde-à-vues, mais aussi par toute une série de coups de pression de la part des Correspondants de Nuit (qui par ailleurs ont porté plainte pour diffamation contre un tract, pour laquelle des convocations et des perquisitions ont eu lieu), rapidement épaulés par les bulldogs enragés de la BST, tentant d’instaurer une guerre privée entre eux et nous. Une guerre privée qui n’est qu’une toute petite partie de la guerre aux pauvres et aux indésirables que ces merdes sont payés pour réaliser : chasse aux prostituées et aux vendeurs à la sauvette, rafles de sans-papiers, guerre aux marchés sauvages, expulsions de logements, et l’accompagnement à coup de matraques, de taule et d’artistes de la boboïsation des quartiers sous la houlette de la mairie. 
Quelques semaines avant le 1er mars, avait lieu une révolte au CRA de Vincennes pour laquelle étaient incarcérés deux retenus, et deux compagnons venus exprimer leur solidarité lors d’un parloir sauvage avec feu d’artifice. Et même si les deux compagnons sont sortis quelques jours avant la manif, ces énièmes arrestations n’ont fait que donner plus de détermination à tous.

Nous savons bien que ce que craignent les flics, bien plus que quelques anarchistes, c’est la rencontre entre ces anarchistes, leurs idées et leurs pratiques, et une rage diffuse et sociale contre le pouvoir et sa domination.

Aujourd’hui, nous avons réussi à sortir de la lassitude de cette guéguerre privée en relevant la tête et les yeux pour parler sans peur de la guerre sociale. Et nous sommes satisfaits de voir qu’ils ont peur, car c’est de leur insécurité que pourra se bâtir notre liberté.

Pour un monde sans flics, sans fric et sans autorité.
Pour la révolution.

(ACAB)

2 mars 2014,
Des anarchistes de Belleville.

[A paraitre dans le prochain numéro de Lucioles.]

Compte-rendu et réflexions sur le rassemblement du 1er mars à Belleville belleville-9c86e
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Version distribuée à Belleville à télécharger en PDF :

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