A l’heure où le ministre de l’agriculture fait les fonds de terroir, il est utile de repréciser les choses. Commençons donc par ce terme de terroir.
Chez Robert, terroir est une étendue de terre considérée du point de vue de ses aptitudes agricoles MAIS AUSSI la région rurale influant sur ses habitants. En gros, la vie dans la terre et sur la terre constituent ce terroir, sa qualité, sa quantité. Cela se rapproche de l’agroécologie (il faudra revenir sur ce terme à peine arrivé en France et déjà détourné de tout son côté socio-économique notamment par ce cher ministre agricole…)
Une ferme de terroir travaille des terres qui sont une capacité nourricière pour les humains et les animaux de la ferme, par conséquent c’est une ferme autonome d’un point de vue alimentaire.
Mais attention, dans ce monde capitaliste, l’étiquette « terroir » n’est pas un gage de qualité suffisant car souvent les produits du terroir ne sont pas issus de fermes autonomes justement. Qui plus est, malgré des sigles tels que IGP, AOC, elles sont trop souvent peu respectueuses de leur environnement tant écologique que social. Mais il n’y a pas de qualité sans terroir.
Pourquoi un produit estampillé « terroir » obtenu via l’agriculture dite conventionnelle n’est pas un produit du terroir ? En général, agriculture conventionnelle signifie utilisation de matières non issues du terroir pour nourrir les animaux (soja par exemple) ou les végétaux (via divers engrais, souvent chimiques). Cette agriculture perd totalement le rapport, primordial dans la définition de terroir, à la notion vivante de la terre. Parce qu’utiliser des engrais ou aliments exogènes, c’est, d’une certaine manière, faire du hors sol en plein champs puisqu’on ne se soucie plus de la qualité de la terre qui va nourrir le végétal qui nourrira éventuellement l’animal. De même pour l’élevage, si l’animal ne sort dans les prés que pour se dégourdir les pattes et qu’en fait il mange au râtelier la majorité du temps, où est le lien à la terre ?
Terroir implique également une certaine qualité de vie pour l’humain sur le territoire qu’il occupe, donc penser la communauté locale. Cela implique la vente locale et en circuit court. Il y a donc un côté protectionniste à cette notion de terroir: défense du terroir et des humains qui y vivent. Cela peut être dangereux si il n’y a pas aussi pensée globale, c’est à dire fédération des terroirs. Mais il y a aussi un côté anti-élitisme à rester local car une fois de plus le capitalisme sait se servir du terroir pour vendre ces fameux produits à l’autre bout de la terre à des prix hallucinants. Faire des produits de terroir est aussi une approche militante pour un bien vivre local mutuel et pas individuel comme il serait si simple de le faire en vendant ces produits à la « hype society ».
La notion de terroir est profondément liée à celle d’agriculture paysanne, c’est à dire d’agriculture pour faire vivre un pays. En France et dans pas mal de pays dits occidentaux, la paysannerie dans son sens noble disparaît. Il n’est quasiment plus possible de trouver du foncier à taille humaine et l’agriculture vivrière disparaît ; celle qui nourrit là où elle produit.
En milieu urbain, qui sait encore d’où vient sa nourriture ? Très rarement des environs de la ville, ce qui est dramatiquement vrai même pour les Amap parisiennes. Quelle alimentation dans les grandes zones urbaines qui ne pensent pas à avoir au minimum une ceinture vivrière ? Quelle liberté si on ne choisit même plus son alimentation, sauf entre supermarchés (bio ou non) et Rungis ?
DAG, Le ferment 29
(Article paru dans le n° 50 du Monde Libertaire gratuit ou à prix libre du 3 avril 2014.)
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