Les travailleurs-euses de la santé en lutte

Les travailleurs de la santé en lutte

Ce mardi 23 septembre était organisée une journée d’action nationale des travailleurs de la santé et, dans une moindre mesure, du secteur social et médico-social, contre l’austérité vécue dans ces secteurs. C’est un fait relativement connu que la situation dans les hôpitaux est catastrophique : le manque de moyens dans ce secteur se traduit par une insuffisance de personnel pour faire face à l’accueil et au soin des patients, par une pression énorme sur ces travailleurs (surcharge de travail, journées à rallonge, non-remplacement lors des congés, précarité, etc.). De fait, dans les hôpitaux, les patients comme les travailleurs sont en grande souffrance. Et cette situation n’est pas prête de s’améliorer car ce sont toujours plus de sacrifices qui sont exigés par les autorités de tutelle (les ARS, Agences Régionales de Santé), dont les ordres sont appliqués avec zèles par les directions. 

Nombreux sont les établissements qui subissent actuellement des plans de « modernisation », impliquant de nouvelles baisses d’effectifs, fermeture de services, suppression de jours de RTT… sans parler des salaires au rabais des salariés les moins qualifiés. Face à cette situation, un mouvement de contestation et de résistance semble prendre forme. Tout est parti de la lutte des travailleurs de l’EPSM (Établissement Public de Santé Mentale, ancien Bon Sauveur) de Caen.

La lutte de l’EPSM de Caen

Depuis plus d’un an maintenant, les travailleurs de l’EPSM de Caen sont en lutte contre un plan de modernisation souhaité par leur direction. Ce plan comprend notamment la suppression de nombreux postes (une cinquantaine) et la suppression de 5 jours de RTT. Refusant ce coup de rabot dans leur établissement, les travailleurs sont assez massivement entrés en résistance contre ce plan, en multipliant les actions. Ils ont notamment plusieurs fois bloqué les instances (comme le Comité d’Établissement), empêchant ainsi l’adoption du plan, ou filtré les admissions à de nombreuses reprises. La direction a très vite adopté une position très autoritaire, allant jusqu’à envoyer les flics intervenir aux portes de l’établissement pour déloger par la force les travailleurs en lutte. Début septembre, la direction, excédée par tant de résistance et de détermination, décide de tenir le Comité d’Établissement… directement à l’ARS, c’est-à-dire hors de l’établissement, une première ! Les salariés n’ont pas lâché pour autant et se sont rendus en nombre sur place. Là-bas, ils étaient attendus par une rangée de flics en tenue de maintien de « l’ordre ». Ainsi, le Comité d’Établissement devait se tenir sous protection policière ! Une fois de plus, il n’a pu se tenir.

Quelques jours plus tard, les salariés engagent une nouvelle action, en décidant d’occuper la direction. Cette occupation ne durera qu’un jour, un communiqué sera diffusé, intitulé: « la direction, c’est nous! ». Ces derniers jours, la direction a porté l’affaire en justice, en référé, au tribunal administratif. Résultat des courses : le juge ordonne de cesser toute occupation des lieux, tout blocage ou obstacle à l’admission des patients, sous peine d’intervention des forces de l’ordre et d’amendes. Les sections syndicales engagées dans le mouvement (Sud et CGT) doivent en outre verser 1000 euros de frais. Le coup est dur mais les travailleurs n’entendent pas s’arrêter là pour autant : une autre assemblée générale est prévue dans les jours qui viennent pour envisager de nouvelles actions.

Journée d’action du 23 septembre

Plus d’une centaine de personnes sont parties de Caen pour participer à la manifestation de Paris, en majorité des salariés en lutte de l’EPSM, d’autres hôpitaux de la région (CHU de Caen, Vire, Lisieux, …) et quelques rares travailleurs du médico-social. Le rassemblement est prévu à 11h devant le ministère de la santé. Entre 1 500 et 2 000 personnes sont présentes, venues de plus de 80 établissements de toute la France. Bien entendu, le ministère est une fois de plus sous bonne protection (police nationale + gendarmes mobiles, en grand nombres par rapport aux effectifs de manifestants). Les discours s’enchaînent, de salariés en lutte, mais aussi et surtout de représentants syndicaux et même de politiques, toujours à l’affût d’un mouvement à soutenir pour redorer leur blason.

Vers 14 heures, une partie du rassemblement se met en mouvement pour se rendre à l’hôpital Cochin où une assemblée générale est prévue. C’est en cortège que nous y allons : celui-ci s’engouffre dans le métro (c’est gratuit pour les cortèges !), manifestant jusque dans les rames de métro (!), puis ressort quelques stations plus loin pour se rendre au lieu de l’AG. Environ 200 personnes sont présentes ; beaucoup sont syndiquées (Sud, CGT), d’autres non, majoritairement du secteur santé, mais des travailleurs sociaux et même intermittents ou chômeurs sont également présents. Cette AG se présente comme une assemblée générale du mouvement de « convergences des hôpitaux en lutte contre l’hostérité ». C’est la troisième du genre (la première ayant eu lieu en avril à Caen à l’appel des travailleurs de l’EPSM). Sont abordées la position vis à vis de la CGT, qui semble, au niveau de la fédé santé, freiner des quatre fers, malgré la forte implication de certaines sections dans les hôpitaux. Puis les perspectives d’actions pour construire et amplifier la mobilisation. Plusieurs interventions rappellent la nécessité de converger avec d’autres secteurs qui connaissent la même situation que les hôpitaux, notamment le secteur médico-social (qui ne connaît pas de réelle mobilisation actuellement). Certains insistent également sur l’importance de trouver le soutien des patients (surtout par le biais des associations d’usagers, représentées dans l’AG). Mais il est aussi rappelé que les hôpitaux en lutte restent minoritaires et qu’il convient aussi d’élargir le mouvement dans les hôpitaux. Toutes ces idées semblent faire consensus. Pour les modalités d’actions, plusieurs cibles sont évoqués : la FHF (Fédération Hospitalière de France), les ARS (Agences Régionales de Santé)… Après débat, il est convenu de se joindre à la journée de mobilisation du 16 octobre (appelée initialement par la seule CGT) ; des actions locales devraient être organisées ce jour. La coordination de convergences des hôpitaux en lutte devrait donc s’y joindre en tant que telle. Il a été adopté un appel à tous les travailleurs hospitaliers à refuser de répondre au téléphone lorsque les employeurs les contactent sur leur repos pour venir travailler.

A propos de cette lutte

Ce qui est notable dans ce mouvement, c’est la forme qu’il a prise, les outils dont il s’est doté : un fonctionnement en assemblées générales nationales, régulières, qui sont le lieu de construction et de coordination du mouvement. Ces assemblées apparaissent par la suite sous leur nom propre, « la convergence des hôpitaux en lutte contre l’hostérité ». Elle a vocation a être autonome vis à vis des organisations syndicales (bien que de nombreux syndicalistes y participent et contribuent à la faire vivre). Notons que nombres de syndicalistes de la CGT sont très mobilisés dans leur établissement et impliqués dans ce mouvement assembléiste et se heurtent à leurs instances nationales (fédérales, confédérales) qui se refusent à toute implication dans un mouvement qu’elles ne contrôlent pas !

Ainsi, cette journée nationale du 23 septembre était bien une initiative des assemblées de convergence ; le niveau de mobilisation est donc à analyser par ce biais. La réalité de la mobilisation dans les hôpitaux reste limitée à quelques établissements (comme l’EPSM de Caen). Comme cela a été dit pendant l’AG, il faut alors la construire au sein des établissements pour lui donner du corps. Et si l’élargissement au social et médico-social est là dans le discours, il est loin d’être une réalité ! Car, actuellement, ce secteur n’est absolument pas mobilisé (encore une fois, mises à part quelques luttes sporadiques très localisées). Et s’il nous faut insister sur la convergence des secteurs, ce n’est pas seulement une question de posture, mais bien une nécessité pour une lutte forte et victorieuse. De la même manière, rechercher le soutien de la population est indispensable dans la création du rapport de force (et cela ne consiste pas seulement à avoir le soutien d’associations de représentants d’usagers !). Ce qui implique de parler autant des conditions de travail dégradées que de la question de l’accès aux soins et de la qualité de ceux-ci. Et de fait, l’austérité qui touche les secteurs sanitaire et médico-social a les mêmes origines que celle qui exploite, opprime quotidiennement des millions de travailleurs, de chômeurs, souvent jusqu’à… les rendre malades ! Le capitalisme détruit la santé et la dignité humaine, c’est de ce constat qu’il faudra partir pour créer une résistance plus globale des opprimés.

Un militant de la CNT-AIT Caen

Tract diffusé par l’Union Locale CNT-AIT Caen :   »A Caen, la révolte ? » :

fichier pdf CNT-AIT-Caen-Caenlarevolte-sept2014

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