
De violentes émeutes ont éclaté samedi 23 mai dans le centre d’Athènes en marge d’une manifestation contre l’Union Européenne et ses mesures d’austérité. Quatre cents anarchistes ont tenté d’atteindre l’ambassade allemande. Stoppés par les forces de l’ordre, les plus extrêmes ont alors cherché l’affrontement : ils ont brûlé un bus pour attirer la brigade anti-émeute, leur pire ennemi.
Des explosions et de la fumée grise. L’Université Technique d’Athènes est encerclée par une centaine de policiers anti-émeute. A l’intérieur, une quarantaine d’anarchistes tiennent le siège. Habillés tout en noir, cagoulés, ils lancent pierres, bombes artisanales… et oranges sur les forces de l’ordre, postées derrière leurs boucliers de l’autre côté de la rue. L’université, c’est le refuge historique des protestataires. Depuis la fin de la dictature des Colonels, la police n’a plus le droit d’y entrer. Seul leur gaz lacrymogène s’y infiltre. Les larmes aux yeux, chacun s’affaire. Pendant que certains cassent les dalles de la fac à coups de marteau, un groupe prépare les cocktails à base d’aluminium et d’acide chlorhydrique.
«Vous savez, nous les jeunes, on est plein de rage», souffle Jim. Un prénom d’emprunt pour ce technicien de 23 ans au chômage, qui hait les journalistes presque autant que la police, «la main armée du gouvernement.» La manifestation anti-austérité a pris fin devant l’ambassade allemande depuis moins d’une heure, mais pour les plus virulents la vraie bataille commence. «Depuis l’arrivée de Syriza, soit-disant de gauche, la seule chose qui a changé pour nous, c’est que les flics nous tabassent moins devant les caméras», glisse, cynique, Jim. Selon l’institut de statistiques grec, les violences policières ont augmenté de 114% en quatre ans. Mais les émeutes anarchistes perdurent. La plupart de ces radicaux ont passé «de mauvais quarts d’heures» au poste et sont fichés par les services.
Alors mieux vaut rester discrets, même sur internet. En bon anarchiste, on transmet les rendez-vous de bouche à oreille. Personne ne connaît le vrai nom de ses camarades, ni leur vie personnelle. «On parle de l’action, on s’entraide, le reste n’a pas d’importance.»
« C’est une génération sacrifiée »
Pendant plus d’une heure les deux camps jouent au chat et à la souris. Les anarchistes s’aventurent à l’extérieur des grilles, sur la rue Toussitsa pour mieux viser les forces anti-émeutes, qui les chargent en guise de réponse. Avant que l’air ne redevienne irrespirable, les anarchistes scandent : «Quelle belle idée de voir le drapeau brûler !», drapeau européen en flamme à bout de bras.
Entre temps, quelques étudiants dont les militants de gauche radicale qui préparaient les banderoles de leur prochain concert-débat ont tous pris la poudre d’escampette. La zone est quadrillée, la circulation détournée, mais journalistes et passants s’attroupent derrière les brigades anti-émeutes. Au milieu de la rue, un bus calciné par les flammes. Les anarchistes y ont mis le feu, après en avoir fait sortir le chauffeur. Cette scène de guérilla au cœur d’Athènes, les Grecs y sont habitués. «Bienvenue en Grèce», rigole presque Makis, propriétaire d’un magasin de meubles du quartier pour qui tout ça, «c’est du théâtre, une manière de détourner l’attention des vrais problèmes.»
La carcasse d’un bus, comme le décor d’une société où la violence est pour certains le dernier recours possible. «C’est une génération sacrifiée, explique Philippe Le Bohec, un jeune entrepreneur français installé à Athènes depuis trois ans. Je les comprends un peu ces jeunes. A quoi bon faire des études si c’est pour finir au McDo ? Droite, gauche, extrême gauche, pour eux rien ne change.»
Les anarchistes resteront là, protégés par les grilles de l’Université jusqu’à ce que la police s’en aille. Ils attendront la nuit s’il le faut. Avant de rentrer dans leur quartier, à Exarchia, là où la police n’ose plus patrouiller en uniforme.
Source : Leur presse citoyenne oui mais de gôche (neewsgreek)
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