[Edito de Des Ruines, n°2, Revue anarchiste apériodique, automne 2015.]
Bien que cela soit cocasse et peu courant pour le commun des mortels, vous avez peut-être déjà, dans votre vie d’aventures et de merveilles, mâché une page de papier pleine d’encre. Plusieurs possibilités : peut-être pour dissimuler des informations sensibles ou personnelles à un flic ou un maton ; peut-être parce que l’éternel ennui scolaire vous a fait faire des choses incroyables ; ou bien par pure sottise, ça arrive à tout le monde (ne vous en faites pas). Vous avez probablement remarqué comment le papier assèche votre bouche, tandis que l’encre et son goût amer enveloppe votre langue d’un désagréable voile d’inconfort. Comme tout ce qui est palpable, encre et papier ont un effet sur notre corps, nos organes, nos sensations instinctives.
Le bon dieu, le malin génie, le saint-esprit, le destin ou Internet, n’ont eux pas d’effets sur mon corps et mes instincts sauvages, ils sont métaphysiques (et lorsque nous parlons d’internet, pour l’instant nous ne parlons que du « concept », et pas encore des antennes ou des ondes qui lui permettent d’exister, et qui elles, ont indéniablement des effets directs sur nos corps). Comme tout ce qui est virtuel, ils ne sont qu’en puissance, sans effet actuel et sans matérialité. La graine, par exemple, est un arbre en puissance. En frappant ma tête contre un arbre (admettons, par pure sottise encore) je pourrais bien me fendre le crâne, et cela de façon bien réelle et organique, ce qui n’arrivera pas avec une graine, ni avec Internet ou le bon dieu.
Tout cela pour commencer à parler d’un sujet que nous souhaitions aborder depuis longtemps, et qui se trouve être, selon nous, humbles forces du mal, bien plus crucial qu’il n’y paraît. Nous aimerions expliquer pourquoi nous préférons nos textes sur du papier que sur Internet. Pourquoi nous pensons que la réalité vaut la virtualité au carré, et pourquoi nous aimerions voir disparaître les rapports virtuels avec le monde qui les produit.
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