Rennes : Les tractations politiques, finalement, sont venues
Bien sûr, il n y aura aucune remise en question de la part de « ceux qui sont les seuls à penser la révolution ».
Car, au mieux, à bavarder avec des personnes que l’on a pu considérer un temps comme des compagnons, on aura droit à l’éternel « ce sont des individus qui ont agi de la sorte, pour moi, ce sont des camarades, cela ne signifie pas que l’on partage toujours les mêmes positions ». On se dédouane, on refuse de prendre parti contre celles et ceux qui justement, le revendiquent, ce parti de merde. Il y a un corps qui se forme : tu es dedans ou à l’extérieur, tu suis la ligne ou pas. Gare à celui ou celle qui fera un pas de travers, la vindicte des politiciens plus aguerris risque de s’abattre sur elleux. Excusez-nous de vivre, de mettre en pratique certaines théories parfois assez intéressantes quant à « des formes de vie désirables ».
Au pire, on gerbera après avoir entendu la stratégie politicienne foireuse des plus convaincu.e.s. Non, vraiment, c’est magique. L’Acipa est en train de devenir révolutionnaire. Il n’y a plus de doute. De la même manière, on entend des discours qui inquiètent fondamentalement la République, dans la bouche de certains dirigeants d’Europe Ecologie les Verts. Je pense pas que ça fonctionne ainsi. Les membres du Parti sont en train de se faire absorber par les réformistes. L’Acipa a clairement revu son attitude belliqueuse à la baisse depuis le rendu du procès. Tout le monde est lucide (sauf vous ?) sur le fait que les seul.e.s qui font le beurre en ce moment sont les personnes qui luttent contre l’aéroport. Illes récoltent les bénéfices du grabuge contre les menaces qui planent sur la Zad, mais restent des interlocuteurs tout à fait présentables vis à vis du pouvoir. Jamais, ô grand jamais, ne se mettre en danger, ne se sentir solidaire de celles et ceux qui éprouvent de la rage, qui ne s’inséreront jamais dans cette société pourrie. On en attend pas beaucoup plus des réformistes, à vrai dire.
En revanche, quand ce sont des personnes qui tentent, selon certaines légendes ancestrales, de « répandre l’anarchie », qui viennent sermonner ou tabasser des individu.e.s qui sabotent un bus de l’armée, ou brisent une vitrine de banque, c’est un peu plus gênant. Oui, ce sont des attitudes de flics, il n’y a pas d’autres mots. Si d’aucun.e.s espèrent encore trouver au fond de chacun.e de vous une braise de révolutionnaire, je pense au contraire que vous n’êtes pas mes alliés. Bien évidemment, vous pourrez écrire une nouvelle page de victimisation chaque fois que vous vous ferez traiter comme vous le méritez, que vos magouilles n’aboutiront pas : « vous n’imaginez quand même pas que l’on a des arrières-pensées quand on cherche par tous les moyens possibles et imaginables de manipuler une assemblée générale au sein d’un camp dans lequel nous avons débarqué à 200 sans rien respecter ». Allez, à d’autres… Mais nous sommes nombreux.se.s à prendre la mesure. Notre défiance grandit.
Bordel, vous avez réfléchi à ce que signifie dresser une liste des gens susceptibles de se rendre à un Carnaval ? Politiquement, et peut-être philosophiquement ? Ça vous fait pas trop mal ? Non, encore une fois, vous êtes probablement un cran au-dessus. La fin justifie les moyens, n’est-ce pas ?
Je suppose que l’on aura aussi droit au couplet sur la jalousie, sur la frustration. À cela, je ne répondrai pas. Ou si, brièvement : vos théories ont le mérite d’exister[sic], mais elles ne s’appliquent à rien. Vous écrivez sur du grand vide, et tombez de haut quand il s’agit de se confronter à la vie, et non plus à une grande mascarade construite par une ministre de l’intérieur mégalomane.
Et, pour des raisons de confidentialité évidentes, je ne peux me permettre de faire une liste de toutes les trahisons vécues, que l’on a parfois lues comme des erreurs, des accidents. À un moment donné, il est nécessaire de se méfier de celles et ceux qui les commettent.
Petit questionnaire à choix multiples :
Qui a dit « c’est complètement contre-productif de casser une banque » ?
un flic
un membre du front de gauche après 3 verres de rouge et deux sandwiches merguez
un ami à nous
Qui a dit « il ne faut surtout pas qu’ils soient au courant de la présence des gendarmes mobiles de l’autre côté, ils vont se déchaîner « ?
un flic
un membre du front de gauche après 3 verres de rouge et deux sandwiches merguez
un ami à nous
Qui a hué des copines qui faisaient part de l’absence totale de solidarité par rapport aux dominations de genre, dans un camp où il avait débarqué en se comportant comme à Narbonne Plage ?
un flic
un membre du front de gauche après 3 verres de rouge et deux sandwiches merguez
un ami à nous
Qui a dit : « et vous, vous faites parti de quel groupe, de quelle ville » au moment de débarquer en manif ?
un flic
un membre du front de gauche après 3 verres de rouge et deux sandwiches merguez
un ami à nous
[Repris d’Indy Nantes.]
A NOS FAUX AMIS
Indy Nantes, 9 février 2016
Samedi 6 février était organisé à Rennes un Karnaval contre l’état d’urgence et pour la victoire de la ZAD. L’appel, autonome et signé par le comité ZAD de Rennes, a attiré un bon millier de personnes venant de toute la fRance et au-delà. Après un bon gueuleton concocté par une cantine végane – à côté de la « cantine des Q de plomb » qui n’a rien trouvé de plus malin que de servir du cadavre de poule en le faisant passer pour un aliment et en annonçant fièrement avoir « égorgé les poulets eux-même » -, la manifestation a décollé vers 15h de la place du Parlement.
Le cortège, bigarré et festif, s’est élancé au rythme des nombreux pétards et fumigènes qui annoncaient la couleur de la manifestation. Rapidement, les vitrines des banques, compagnies d’assurance et agences immobilières sont attaquées à coups de marteaux, d’extincteurs et recouvertes de peinture. La relativement faible présence policière a permis aux manifestant·e·s de continuer à déambuler jusqu’à la place Charles de Gaulle, en continuant à égayer les rues. À partir de là, scindée en différents cortèges, la manifestation s’est prolongée dans plusieurs directions, poursuivie par les flics qui ont tiré des balles en caoutchouc sur les manifestant·e·s, de dos la plupart du temps. C’est dans ce contexte de dispersion qu’ont eu lieu les quelques interpellations, censées calmer les hiérarchies policières et politiques et donner une illusion de maîtrise à la fameuse opinion publique. Probablement une façon pour eux de ne pas perdre la face.
Mais derrière la joie qui nous a animé lorsque les vitrines tombaient se cache une amertume certaine, et de la colère contre des organisateurs du karnaval qui veulent se poser en leaders de révolté·e·s qui n’entendent pas se faire dicter des ordres de la sorte. Le fait que leurs injonctions n’aient pas été respectées ne doit pourtant pas nous empêcher de dénoncer des méthodes odieuses et politiciennes.
La veille de la manifestation, des organisateurs et organisatrices ont, de leur propre aveu, dressé la liste (!) des « groupes venant de loin » susceptibles d’avoir envie d’exprimer leur rage contre ce monde et son aéroport de manière conséquente. Ils et elles ont ensuite expliqué avec autoritarisme le « mot d’ordre » qui les arrangeaient bien, de la farine et de la peinture, mais pas de casse ni de projectiles. Le déroulement de la manifestation a heureusement montré tout le mépris dont leurs directives ont fait l’objet.
La joyeuse balade en ville s’est déroulée quasiment sans heurts au sein du cortège, malgré la « frustration » qu’avaient ses organisateurs de voir le peu de respect que nous avions pour leurs ordres. Malheureusement pour elleux, nous ne sommes ni dociles ni obéissant·e·s. Quelques citoyen·ne·s ont certes exprimé leur désaccord avec les personnes qui cassaient des vitrines, en les accusant, aveuglé·e·s par le discours de l’ordre, de travailler pour les flics (!), d’être contre productifs (encore heureux !), ou que ça ne servaient à rien. Nous briserons des vitrines tant qu’ils briseront nos vies, et manifestement il n’était pas nécessaire d’être masqué·e pour être de cet avis : ces quelques citoyen·ne·s militant·e·s ont souvent été rabroué·e·s par des manifestant·e·s solidaires « les banques te volent tous les jours, c’est la moindre des choses ce qu’ils font ! ». La faible présence policière a permis à quelques révolté·e·s, au-delà des sourires connivents et des éclats de joie au son des vitrines brisées, d’exprimer en actes leur haine de l’État et de ses larbins ; entre ceux qui nous empruntaient nos aérosols pour s’essayer à certaines pratiques et celles qui, encouragées par l’ambiance festive, se mettaient à lancer des projectiles sur les banques et les flics, les complicités ont été nombreuses au sein de la manifestation.
Si certains radicaux se font fort de proclamer sur le papier la nécessité de ne rien négocier avec le pouvoir, ils sont bien capables de « composer » avec des organisations par intérêt politicien. Leur théorie étonnante se résume ainsi : « si nous descendons d’un cran notre radicalité, cela permettra à des paysans, des citoyens, des organisations, de se radicaliser, et progressivement de massifier un « mouvement » qui en aurait besoin ». Alors que les exemples abondent qui décrivent exactement l’inverse de cette assertion, ils et elles sont prêt·e·s à mettre la pression sur des compagnon·ne·s pour ne pas perdre la face auprès des autres orgas de la manifestation. En effet, ils et elles s’étaient engagées auprès de celles-ci qu’il n’y ait pas de casse pendant la promenade, et ielles entendaient bien faire respecter cette loi. La question est de savoir avec qui nous voulons nous associer, et pourquoi certain·e·s privilégient la composition avec des organisation institutionnelles aux complicités spontanées qui émergent toujours des situations où certaines limites sont franchies dans le non-respect de l’ordre et des lois.
Faut-il le répéter, le fameux « contexte local » qu’on serait censé·e connaître avant d’agir est malheureusement le même où que nous allions ; de Rennes à Gaza et de Milan à Athènes, les flics, les juges et les prisons défendent l’État et le capital et nous n’accepterons pas de composer avec celleux qui s’empresseront de nous tirer dessus lorsque les luttes spécifiques qui les intéressent seront « gagnées », c’est-à-dire absorbées et récupérées. Combien seront-ielles, à EELV, à l’ACIPA et ailleurs, à défendre la ZAD lorsque le projet d’aéroport sera abandonné ? Combien reprendront à leur compte le discours du kyste à éradiquer ?
Vers la fin de la manifestation, un des disciples d’un comité pas suffisamment invisible s’en est pris violemment à un anonyme qui s’attaquait à une banque, n’hésitant pas à user de ses poings pour taire l’affront que lui et ses associé·e·s étaient en train d’essuyer depuis le début de la manif. Il fut heureusement rapidement maîtrisé. Après cette manifestation, des compagnon·ne·s ont été approchés par certain·e·s tenant·e·s de cette ligne politique incompréhensible. Après les menaces vinrent les appels à la délation, « qui a cassé les banques ? On veut juste savoir qui c’est, pour leur parler ». On ne peut qu’opposer le silence à d’aussi viles tentatives et leurs logiques policières.
Comment en sont-ils arrivés à une telle arrogance qu’ils ont prétendu pouvoir empêcher des manifestant·e·s d’exprimer leur rage sans concession contre le pouvoir et la normalité ? Au point de proférer des menaces avant et après la manifestation, mais aussi d’aller jusqu’à user de la violence pour défendre les intérêts de leurs accords politiciens ?
Nous ne nous laisserons pas impressionner par leurs manœuvres et nous continuerons à porter en actes un discours et des pratiques sans concession avec la démocratie et ses soldats.
À nos faux amis : notre détermination est intacte. Pas de compromis avec le pouvoir et ses cautions protestataires.
[Et pendant ce temps-là, peines de prisons : http://cettesemaine.info/breves/spip.php?article1448&lang=fr ]
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